Page 189 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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de la malheureuse Anglaise et son mein Gott! mein Gott! 1
                                       Je pensai que c'était un châtiment de la Providence, que je
                                       méritais pour ne pas l'avoir secourue. Car, voyez-vous, mon-
                                       sieur Arché, les hommes font souvent des lois que le bon
                                       Dieu est loin de sanctionner. Je ne suis qu'un pauvre igno-
                                       rant, qui doit le peu d'instruction que j'ai reçue au véné-
                                       rable curé qui a élevé ma femme; mais c'est là mon avis.
                                         -  Et vous avez bien raison, dit Arché en soupirant.
                                         Les deux amis s'entretinrent, pendant le reste du trajet,
                                       de la famille d'Haberville. Les dames et mon oncle Raoul
                                       s'étaient réfugiés dans la ville de Québec, à la première nou-
                                       velle de l'apparition de la flotte anglaise dans les eaux du
                                       Saint-Laurent. Le capitaine d'Haberville était campé à Beau-
                                       port, avec sa compagnie, ainsi que son fils Jules, de retour
                                       au Canada avec le régiment dans lequel il servait.
                                         Dumais, craignant quelque fâcheuse rencontre de sau-
                                       vages abénaquis qui épiaient les mouvements de l'armée an-
                                       glaise, insista pour escorter Arché jusqu'au bivouac où il
                                       avait laissé ses soldats. Les dernières paroles de de Locheill
                                       furent:
                                         -  Vous êtes quitte envers moi, mon ami, vous m'avez
                                       rendu vie pour vie; mais moi je ne le serai jamais envers
                                       vous. Il y a, Dumais, une solidarité bien remarquable dans
                                       nos deux existences. Parti de la Pointe-Lévis, il y a deux ans,
                                       j'arrive sur les bords de la Rivière-du-Sud pour vous retirer
                                       de l'abîme: quelques minutes plus tard vous étiez perdu
                                       sans ressources. Je suis, moi, fait prisonnier, hier, par les
                                       sauvages, après une longue traversée de l'Océan; et vous, mon
                                       cher Dumais, vous vous trouvez à point sur un îlot du lac
                                       Trois-Saumons pour me sauver l'honneur et la vie: la provi-
                                       dence de Dieu s'est certainement manifestée d'une manière
                                       visible. Adieu, mon cher ami; quelqu'aventureuse que soit
                                       la carrière du soldat, j'ai l'espoir que nous reposerons la tête

                                         1. Un vieux soldat, nommé Godrault, qui avait servi sous mon
                                       grand-père, me racontait, il y a près de soixame et dix ans, cette
                                       scène cruelle dont il avait été témoin. Il me disait que l'infortu-
                                       née victime criait: mein Gott! Ma famille croyait que c'était
                                       une faute de prononciation de la part du soldat, et que ce devait
                                       être plutôt: my God! mais il est probable que cette malheureuse
                                       femme était Hollandaise, et qu'elle criait vraiment: mein Gott!
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