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LES ANCIENS CANADIENS                                  89

         patienté jusqu'au flux de la mer, qui les chassa de leurs gabions,
         retournèrent, de guerre lasse, à leur cabane où un triste spectacle
         les attendait: leur canot avait été emporté par la tempête, et il
         ne restait pour toutes provisions aux cinq hommes qu'un pain
         et une bouteille d'eau-de-vie qu'ils avaient mis dans leur cabane
         à leur arrivée, afin de prendre un coup et une bouchée avant de
         partir pour la chasse.  On tint conseil, et on se coucha sans
         souper: la tempête de neige pouvait durer trois jours, et il leur
         serait impossible, à une distance à peu près égale de trois lieues
         des terres du nord et du sud, de faire apercevoir les signaux de
         détresse.  Il fallait donc ménager les vivres.  Ils étaient loin
         de leur compte; il se fit un second hiver, le froid devint très
         intense, la tempête de neige dura huit jours, et à l'expiration
         de ce terme, le fleuve fut couvert de glaces comme en janvier.
           Ils commencèrent alors à faire des signaux de détresse que
         l'on vit bien des deux rives du Saint-Laurent; mais impossible
         de porter secours.  Aux signaux de détresse succédèrent ceux
         de mort.  Le feu s'allumait tous les soirs, et s'éteignait aussitôt;
         on avaie déjà enregistré la mort de trois des naufragés, quand
         plusieurs habitants, couchés de compassion, firent, au péril de
         leur vie, COut ce que l'on pouvait attendre d'hommes dévoués et
         courageux; mais inutilement, car le fleuve était tellement cap·
         vert de glaces que les courants emportaient les canots soit au
         nord-est, soit au nord-ouest, suivant le flux et le reflux de la
         mer, sans les rapprocher du lieu du sinistre.  Ce ne fut que le
         dix-septième jour qu'ils furent secourus par un canot monté par
         des habitants de 1'1le aux Coudres.  A leur arrivée, n'entendant
         aucun bruit dans la cabane, il les crurent cous morts.  Ils
         ~taient néanmoins cous vivants, mais épuisés.  Ils furent bien
         vite sur pied, après les précautions d'usage; mais ils promirent
         bien, quoiqu'un peu tard, que leur première besogne en abor-
         dant une île, même en été, serait de mettre leur canot hors de
         coute atteinte de la marée.
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