Page 90 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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LES ANCIENS CANADIENS 91
- Je vais lui parler, dit Blanche: elle m'aime beaucoup; je
suis sûre qu'elle me répondra.
S'approchant alors, elle lui mit la main sur l'épaule, et lui dit
de sa voix la plus douce:
- Est-ce que tu ne me reconnais pas, ma bonne Marie?
Est-<:e que tu ne reconnais pas la petite seigneuresse, comme tu
m'appelais quand j'érais enfant?
La pauvre femme interrompit son monologue, et tegarda
la belle jeune fille avec tendtesse. Une larme méme s'arrêta
dans ses yeux sans pouvait couler: cette tête fiévteuse et tou-
jours brûlante en contenait si peu!
- Pourquoi, ma chère Marie, dit mademoiselle d'Haberville,
mènes-tu cette vie sauvage et vagabonde? Pourquoi vivre
dans les bois, toi la femme d'un riche habitant, toi la mère
d'une nombreuse famille? Tes pauvres petits enfanrs, élevés
par des femmes étrangères, auraient pourtant bien besoin des
soins de leur bonne mère! Je viendrai te chercher après la
fête avec maman et nous te ramènerons chez toi: elle parlera à
ton mati qui t'aime toujours; tu dois être bien malheureuse!
La pauvre femme bondit sur son siège, et ses yeux lancèrent
des flammes, lorsque debout, pUe de colère, elle s'écria en
regardant les assistants:
- Qui ose parler de mes malheurs?n
Elle se releva tout à coup avant de s'enfoncer dans la forêt,
et s'écria de nouveau en voyant Jules très affecté:
Est-ce bien Jules d'HabervilJe qui s'apitoie sur mes mal-
heurs? EsHe bien Jules d'Haberville, le brave entre les
braves, dont je vois le corps sanglant tralné sur les plaines
d'Abraham? ESHe bien lui qui ensanglante le dernier glo-
rieux champ de bataille de ma patrie? Malheur! Malheur!
Malheur!
- Cette pauvre femme me fait beaucoup de peine, dit de
Locheill, comme elle se préparait à entrer dans le fourré.