Page 91 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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                   Elle l'entendit, se retoutna pour la dernière fois, se croisa les
                bras, et lui dit avec un calme plein d'amertume:
                   -  Garde ta pitié pour toi, Archibald de Locheill: la folle du
                domaine n'a pas besoin de ta pitié! garde-la pour toi et tes
                amis! garde-la pour toi·même lorsque, contraint d'exécuter un
                ordre barbare, tu déchireras avec teS ongles cette poitrine qui
                tecouvre pounant un cœur noble et généreux!  Garde ta pitié
                pour tes amis, {j Archibald de Locheill! lorsque tu promèneras
                la torche incendiaire sur leurs paisibles habitations: lorsque les
                vieillards, les infirmes, les femmes et les enfants fuiront devant
                toi comme les brebis à l'approche d'un loup furieux!  Garde
                ta pitié; tu en auras besoin lorsque tu porteras dans tes bras le
    ,           corps sanglant de celui que tu appelles ton frère!  Je n'éprouve,
                à présent, qu'une grande douleur, {j Archibald de Lochei11! c'est
                celle de ne pouvoir te maudire!  Malheur! Malheur! Malheur!
                   Et elle disparut dans la forêt.
                   - Je veux qu'un Anglais m'étrangle, dit mon oncle Raoul,
                si Marie la folle n'était pas ce soir le type de toutes les sorcières
                chantées par les poètes anciens et modernes: je ne sais sur
                quelle herbe elle a marché, elle toujours si polie, si douce avec
                nous.
                   Tous convinrent qu'ils ne l'avaient jamais entendue parler
                sut ce ton.  On fit le reste du chemin en silence; car, sans
                ajouter foi à ses paroles, ils avaient néanmoins gardé dans leur
                âme un fonds de tristesse.
                   Mais ce léger nuage fut bientÔt dissipé à leur arrivée au
                manoir, où ils trouvèrent une société nombreuse.
                   De joyeux éclats de rire se faisaient entendre du chemin
                même, et l'écho du cap répétait le refrain:
                               Ramenez vos moutons, bergère,
                               Belle bergère, vos moutons.

                   Les danseurs avaient rompu un des chaînons de cette danse
                ronde, et parcouraient en tous sens la vaste cour du manoir, à
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