Page 91 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
P. 91
,
92 LES ANOENS CANADIENS
Elle l'entendit, se retoutna pour la dernière fois, se croisa les
bras, et lui dit avec un calme plein d'amertume:
- Garde ta pitié pour toi, Archibald de Locheill: la folle du
domaine n'a pas besoin de ta pitié! garde-la pour toi et tes
amis! garde-la pour toi·même lorsque, contraint d'exécuter un
ordre barbare, tu déchireras avec teS ongles cette poitrine qui
tecouvre pounant un cœur noble et généreux! Garde ta pitié
pour tes amis, {j Archibald de Locheill! lorsque tu promèneras
la torche incendiaire sur leurs paisibles habitations: lorsque les
vieillards, les infirmes, les femmes et les enfants fuiront devant
toi comme les brebis à l'approche d'un loup furieux! Garde
ta pitié; tu en auras besoin lorsque tu porteras dans tes bras le
, corps sanglant de celui que tu appelles ton frère! Je n'éprouve,
à présent, qu'une grande douleur, {j Archibald de Lochei11! c'est
celle de ne pouvoir te maudire! Malheur! Malheur! Malheur!
Et elle disparut dans la forêt.
- Je veux qu'un Anglais m'étrangle, dit mon oncle Raoul,
si Marie la folle n'était pas ce soir le type de toutes les sorcières
chantées par les poètes anciens et modernes: je ne sais sur
quelle herbe elle a marché, elle toujours si polie, si douce avec
nous.
Tous convinrent qu'ils ne l'avaient jamais entendue parler
sut ce ton. On fit le reste du chemin en silence; car, sans
ajouter foi à ses paroles, ils avaient néanmoins gardé dans leur
âme un fonds de tristesse.
Mais ce léger nuage fut bientÔt dissipé à leur arrivée au
manoir, où ils trouvèrent une société nombreuse.
De joyeux éclats de rire se faisaient entendre du chemin
même, et l'écho du cap répétait le refrain:
Ramenez vos moutons, bergère,
Belle bergère, vos moutons.
Les danseurs avaient rompu un des chaînons de cette danse
ronde, et parcouraient en tous sens la vaste cour du manoir, à