Page 115 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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116                         LES ANCIENS CANADIENS

                  Toutes les habitations et leurs dépendances d'une panie de la
                Rivière-Ouelle, des paroisse. de Sainte-Anne et de Saint-Roch,
                le long du fleuve Saint-Laurent, n'offraient déjà plus que des
                ruines fumantes, et l'ordre n'arrivait point de suspendre cette
                œuvre diabolique de dévastation.  De Locheill voyait, au con·
                traire, de temps à autre, la division de son supérieur, qui suivait
                à une petite distance, s'arrêter subitement sur un tetrain élevé,
                pour permettre, sans doute, à son commandant de savourer les
                fruits de son ordre barbare.  Il lui semblait entendre quelque-
                fois ses éclats de rire féroces à la vue de tant d'infottunes.
                  La première maison de Sainr-Jean-Port-Joli était celle d'un
                riche habitant, sergent dans la compagnie du capitaine d'Haber.
                ville, où de Locheill avait été fréquemment collationner av€<;
                son ami Jules et sa sœur pendant leurs vacances.  Il se rappe·
                lait, avec douleur, l'empressement, la joie de ces bonnes gens
                si heureux des visites de leurs jeunes seigneurs et de leurs amis.
                A leur arrivée, la mère Dupont et ses filles couraient à la laite·
                rie, au jardin, à l'étable, chercher les œufs, le beurre, la crème,
                le persil, le cerfeuil, l'Our faire les crêpes et les omelettes aux
                fines herbes.  le père Dupont et ses fils s'empressaient de
                dételer les chevaux, de les mener à l'écurie et de leur donner
                une large portion d'avoine.  Tandis que la mère Dupont pré-
                parait le tepas, les jeunes gens faisaient un bout de railette; on
                improvisait un bal, et l'on sautait au son du violon, le plus
                souvent à trois cordes qu'à quatre, qui grinçait ,ous l'archet du
                vieux sergent.
                  De Locheill repassait toutes ces choses dans l'amertume de
                Son âme, et une sueur froide coulatt de tout son corps, lorsqu'il
                ordonna d'incendier cette demeure si hospîralière dans des
                temps plus heureux.
                  La presque totalité des habitations de la première concession
                de la paroisse de Saint-Jean-Porr-Joli avait été réduite en cen-
                dres, et l'ordre d'arrêter la dévastation n'arrivait pourtant pas.
                Parvenu, au soleil couchant, à la petite rivière Porr-Joli, li
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