Page 33 - Transcriptions d'actes notariés - Tome 20 - 1682-1686
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Mgr de Laval et la traite de l'eau-de-vie

                                 Une  honne  élude  de  Ia  ijurrrllr  iic  I'rau-{Ir-vic devrait  porier  sur  le+  lrois
                                 aspects  suivn~i~s:  coriipiirirrncnr  de  l'Indien  Iace  à  l'eau-de-vie, le  rjle  de
                                               le
                                 l'eau-dr-i-ie (laus le sy-siirnie i.roririiuiqur  de  la  Nourelle-France et  le= po3iLioii~
                                 respec~ives de  I'Eglise  el  de  I'xiat  dans la  rluert.\!e  de  I'eau-&-vie.   L'luieur
                                 .'r+r  limité, ponr  cctle fois, au  .ru1  aeyt.ct  (le I'iufluence  rie  l'eau-(le-vie  sur  la
                                 soc:iEié  indiriinc,  se  r6eervoiii  rie  iraiter  plus  au  long  ile  cette  querrllt  dsur
                                 un  oiivrago  qui punirra  procliaineinent.
                                                          Résumé
                                  L'Indien,  qui  n'avait  jamais  connu  les  alcools  a~ant I'arrivLe  des
                              Enropéeris.  nv  buvait  que  pour  s'euivrer.   Habitué  à  interpréter  les
                              pliéiiomGries  natnrels  en  ternies  spiritnels.  L'Indien,  lorsqu'il  était  ivre,
                              se crnj-ait po~sédé par un  esprit qui agissait  et parlait  à  sa place.  Aussi
                              rec1ii:rcliait-jl  ardemment  I'ivrvse,  qui  lui  perrnett;iit  de  satisfaire  -
                              artificiellement  il est  vrai  - quelques-unes des aspirations profondm  de
                              soli êlre:  iivilljf~~ puissarice  avec les cliarnana  et  acquéiir uue autorité
                                              de
                              telle  qu'elle  se sutslitnât à celle cie  son  propre chef.  Cette  eoueeption  de
                              l'ivresse-posse-.ainu  ri'était  Fias  sans  influencer  le  Comportement  de
                              l'Indien  face i l'eau-tIe-vie.  L'iviesse  érnnt  une posjrsuion.  elle  doit  Eire
                              aussi  crimpl>te que possilile:  aussi  l'lridien  lie  Iji~it-il que  s'il  a  assez  de
                              1)ois.ion  pour s'euivrer, et il lioit taut qu'il  lui  rc-ste  uue goutte de f)rii9son ;
                              en  outre,  I'ivie3se  est  glorieuse, et  la  rriort  la  plus  désiialile est  celle qui
                              surlient  iiendsnt  i'ivreuse:  erifiii.  l'Indien,  dominé  et  ~ossédé t>ai  la
                              Itii,i:e supçrieui-e de l'eau-dt!-vie,  ne  se croit  aut:unernent  responsable  del
                              actes qu'il  pose  eu éral  d'ébriété.  Liliéré  de  out  sentiment  de eulpaliililé.
                              I'liidien  ce  laisce  aller:  doils  l'il-resie,  aux  plus  graves  déscirrlres.
                                  ?I  cause  de la  graxité. et  (le  l'i.teiidue  de ces  désordies,  les  rniasiiiii-
                              naires  et  AIYr  de  Laval  s'élevèretit  vig<iureusemeut contre  la  traite  de
                              l'eau-[le-vie.  disant  que  I'i\iii,vrierie  causait  la  mort  des  sauvage3  et
                              ruinait les missions,  Pnur siiiisirdire  les  Indiens au péril de l'ivrognerie,
                              les  Jésuite3 fondèrent  rIes  ri.iluctiori~; et.  conti e les  trafiqnaiit*  d'rau-de-
                              vie, 1'Eylise eut ieeours à se5 sentences les plus sévères.
                                  Cr5  mesures  des  autoritCs errlésiastiqu~~ avaient  jirinr  but  d'ernpê-
                              c.hc:r  les Indiens de boire à I'excbs. et partarii [le les snurer ile la déchésnee
                              physique  et morale et  d'ahgurer  aiusi le succès de l'é~angPljaa~ioii. Ilai;
                              l'cdu.tle-vie  n'était  qu'uu  facteur  dc  désinti.gration  pairni  tarit  d'autres
                              inirorluits  d4n.c  la  société  iiidieiine  par  la  eivilisation  occideritale:  les
                              vcternenta.  IPP  vivres  et  tous  les  autres  piocluits  eurcipkns  adoptés  par
                              les  Indiei~s htajpnt  autant  de causes  dorit  l'aciion  combinée amena  leur
                              dépi.rissemtlnt.  Il  ne faut donc pas  isoler ce facteur partierilier  qu'était
                              l'eau-de-vie,  ni  en  e~agkrer I'iinportance,  comme  ou  l'a  lait  à  l'époque
                              de la  Nouvelle-Frûuce.  Que lqeau-de+vie fût la cause première, ou unique,
                              de  l'insuccès  d~ I'é\~augélisation. rions  ue  le  ertiycins  pas  nori  pIrir,  car
                              les  Indien.,  qui  avaient  une  religiori  bipn  établie,  produit  auiheuiique
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