Page 196 - monseigneur
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Puis j'ai perfectionné ma couture de beaucoup, ce qui m'a
été très utile par la suite. J'allais à la bibliothèque du
Gesù, une fois par mois. Mlle Drouin, qui y travaillait, me
choisissait de bons et beaux livres; j'ai lu beaucoup de livres
de Bordeaux, René Bazin, Guy de Saint-Pierre, Léon Blois,
Maritain, et tous les petits romans qui font rêver les jeunes
femmes! Delly et Magali, entre autres. Le soir, j'allais sou-
vent prendre une marche avec la vieille Mme Yerville. Nous
traversions la rue Jean-Talon et nous allions vers le nord.
C'était peu construit, nous étions tranquilles et nous
évoquions des souvenirs de notre Petit Chenai!. Nous par-
Iions d'autres choses aussi; des hommes, par exemple, qui
faisaient leurs devoirs de maris, si vous comprenez ce que je
veux dire! Et ça nous faisait rire. Je suis aussi allée au Stella,
au Monument National et à l'Arcade, où se produisait une
troupe française. Enfin, je ne perdais pas une occasion. J'avais
été privée longtemps de ces distractions. J'ai même reçu une
invitation par téléphone pour faire partie de la Société d'étu-
des et de conférences! Je fus très surprise et bien incapable
d'accepter! Outre mon peu de connaissances, j'avais com-
mencé à élever une seconde famille. Il m'aurait été difficile
de suivre ce mouvement.
J'aimerais ajouter qu'Upton était classificateur pour le
gouvernement fédéral et qu'il avait son bureau rue des Com-
munes (Common Street) à Montréal. Le chef du bureau
était un Anglais d'Ottawa qui ne savait pas un mot de fran-
çais ! Mon mari me l'amenait pour dîner à la maison. Imagi-
nez! Je ne parlais pas un mot d'anglais! Mais ça ne me
dérangeait pas du tout. Les autres classificateurs, des Cana-
diens français, pouvaient pour la plupart se débrouiller en
anglais, et les sténographes (secrétaires) aussi. À un certain
moment - ma dernière fille, Jeannine, avait cinq ans alors
que les autres étaient à l'école -, nous menions une belle vie.
J'avais un peu plus de temps libre. Une année, sur une an non-
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