Page 201 - monseigneur
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l'enterrement! La soeur de mon oncle a fait encan et a vendu
                                 même des choses qui nous appartenaient (de beaux fusils, des
                                 diplômest-et -que- nous avions laissées à la maison. Upton
                                 n'aimait pas la chicane. Nous ne l'avons pas rencontrée.
                                     Dans ce tem ps-Ià, nous retournions quinze jours l'été, en
                                 vacances, à la maison paternelle. Upton s'amusait avec les
                                 enfants de mon frère, qui commençaient à grandir. Un jour,
                                 ma belle-soeur avait fait un beau ménage; la grande cuisine
                                 était agréable. Mon mari se berçait et parlait avec ma mère.
                                 Les deux plus jeunes arrivent dans la cuisine, plein les bras de
                                 branches pour se faire des sifnets. Ma belle-soeur étant surve-
                                 nue, les petits gars ont eu à ramasser leurs branches et
                                 retourner ça dehors. Mon mari leur a dit: «Vous savez, les
                                 mères, c'est bien achalant, ça nous défend de s'amuser, ça
                                 dispute, ça nous guette tout Je temps... » Les enfants le regar-
                                 daient avec des grands yeux et approuvaient de la tête. Mon
                                 mari a continué: «Des mères, ça c'est bon rien qu'à nous
                                 donner à manger, à nous habiller chaudement, à nous con-
                                 soler s'il-nous arrive un malheur. .. »Les enfants continuaient
                                 à le regarder, mais pas de la même manière. Le plus âgé n'a
                                 pu tenir et a rétorqu6 à mon mari: «Savez-vous bien, mon
                                 oncle, que si on n'avait pas de mères, on «meurrait »? »
                                 Ces enfants étaient intelligents et débrouillards.

                                    Je me rappelle une autre fois que les deux mêmes enfants
                                 sont apparus près du champ de tabac où l'oncle Émile tra-
                                 vaillait. Celui-ci s'était aperçu que de belles feuilles étaient
                                 cassées. Il appela les garçons, les fit approcher et leur donna
                                 à chacun une fessée, croyant que c'était eux qui avaient fait
                                 ça. Ceux-ci se défendaient: «Ce n'est pas nous autres, c'est
                                 Jean-Louis (leur frère), il a passé tantôt et a accroché ces
                                 feuilles... »Mon oncle Émile les regarda de ses beaux yeux
                                 bleus et, avec un sourire en coin, il leur dit: «ça ne vous fera
                                 pas dommage... » Lt::s garçons se sont régardés et sont partis


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