Page 161 - monseigneur
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bien du cor. Le soir, il nous faisait un concert au bord de la
                                 rivière. Tout était calme. Il n'y avait rien de plus beau. Il
                                 avait composé pour la belle Marie-Julie une chanson qu'il
                                jouait sur son cor. Ce ne sont pas des choses qu'on oublie.
                                    Je suis allée à la pêche à l'anguille avec mon oncle, sur le
                                 lac Saint-Pierre. La chaloupe était grande et solide, mais les
                                 vagues nous berçaient. J'avais un peu peur, mais mon oncle
                                 n'était pas novice dans le métier. Il tirait chaque ligne et une
                                 grande anguille se trémoussait au bout. Quand il les envoyait
                                 dans le fond de la chaloupe,je n'aimais pas ça du tout. Je n'ai
                                 jamais aimé regarder un serpent, et l'anguille, ça y ressemblait
                                 pas mal. Cependant, j'avais confiance en mon guide et ç'a été
                                 une belle expérience. Ma tante n'avait pas sa pareille pour
                                 faire cuire le poisson aussi bien que le gibier.
                                    Dans le tem ps des sucres, la sucrerie de mon oncle inon-
                                 dait. Celui-ci posait des «varvaux» (verveux) dans l'eau,
                                 entre les plaines. L'eau était claire et le soleil à travers les
                                 arbres éclairait ces belles perchaudes de toutes les couleurs,
                                 qui s'y laissaient prendre. Préparées ensuite avec des grillades
                                 de lard, ou mangées juste bouillies dans l'eau salée, rien de
                                 plus délicieux! Je m'ennuie de ces beaux poissons d'eau
                                 douce; nous n'en trouvons plus sur le marché.
                                    À la fin d'avril de l'année suivante, mon mari devait partir
                                 pour les Cantons de l'Est et nous n'avions toujours pas de
                                 logis; alors, on a décidé (tous les deux) que je resterais au
                                 Petit Chenail près de ma mère et que j'aiderais un peu à
                                 ma tante au club à l'été, durant la saison des vacances. Mon
                                 cher mari est parti seul et ç'a été plutôt ennuyant! Mon bébé
                                 devant naître le 3 septembre, je me suis installée chez mes
                                 parents et mon fils est arrivé le 3 septembre, comme prévu.
                                 Mon mari était arrivé de la veille. Les premières douleurs se
                                 sont manifestées vers 4 heures du matin. Mon père était
                                 paralysé, et c'est mon frère, je pense, qui est allé chercher le
                                 médecin. Pas de piqûre, pas d'anesthésie, au naturel! J'avais


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