Page 157 - monseigneur
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rier) chez Mondou, où ma cousine (celle qu'il avait fréquen-
                                 tée...) s'occupait du bureau de poste. Je regardais l'heure...
                                 mais il ne s'attardait pas; et puis, gênée toujours, qu'est-ce
                                 que j'aurais pu faire?
                                     Au temps des sucres, M. Lorrain, de Longueuil, venait
                                 passer un mois chez mon oncle. Les trois hommes faisaient les
                                 sucres ensemble. La maison changeait de physionomie 1 Les
                                 voisines venaient faire leur tour; la bonne femme Maxime et
                                 la bonne femme Pierre Charlie. Celles-ci me regardaient... et
                                 devaient se dire, entre elles, à quoi je serais bonne! Je n'avais
                                 pas adopté leurs manières de s'habiller, je parlais peu et je
                                 travaillais peu aussi, n'ayant rien pour m'occuper. Ma tante
                                  me donnait du reprisage que je faisais bien. Elle était gentille
                                 avec moi, car elle aimait bien ma mère!
                                     Puis j'attendais avec impatience qu'avril arrive: je pour-
                                  rais aller faire un tour chez nous et je pensais surtout que nous
                                 partirions pour faire notre vie dans les Cantons de l'Est. Les
                                  fromageries ouvrant le 1er mai, l'inspecteur devait être rendu
                                 sur les lieux. Upton est parti fin avril, en voiture (à cheval),
                                 nous chercher un logement. Warwick (chef-lieu du district à
                                 couvrir) étant un village manufacturier, les logis étaient rares.
                                 Aussi, il a loué une chambre chez un cultivateur du village, qui
                                 avait une belle grande maison et qui prenait des pensionnaires
                                  à J'occasion. Me sachant peureuse et gênée, je pense que mon
                                  mari était plus rassuré en ne me laissant pas seule, lui qui
                                 devait voyager dans les deux comtés d'Arthabaska et de
                                  Drummond.
                                     Ceci réglé, je suis partie au début de mai, en train, pour
                                  Nicolet. De là, j'ai dû prendre un charretier pour me rendre
                                 à Saint-Grégoire où passait le train pour les Cantons de
                                  l'Est. Ce charretier était tout un numéro! Il a placé ma
                                  grosse valise sur le derrière de sa voiture, une barouche à
                                  quatre roues et à deux sièges, le deuxième étant déplaça-
                                  ble. Je pense même que j'ai couché à Saint-Grégoire. Enfin,



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