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VISAGES
FR – Quelles étaient tes sources d’inspiration?
LCC – Tout au long de ces années d’apprentissage, j’ai
découvert que le français foisonne d’images, de règles et
d’exceptions. Lentement, mais sûrement, j’ai appris à manier
cette langue qui, j’en avais l’intuition, allait m’aider à sortir de
ma solitude, de mon isolement.
Pendant près de 20 ans, la langue et son riche vocabulaire
ont été pour moi une sorte de thérapie. Je lisais, j’écrivais
et je m’exprimais. Nelligan, Verlaine et d’autres poètes que
je découvrais m’inspiraient. Ils représentaient pour moi un
puissant outil de croissance, d’élévation, de dépassement.
FR – Comment et quand es-tu venu à la chanson?
LCC – C’est dans le cadre d’un cours de voix (suivi par
intérêt personnel) que je me suis aperçu de ma fascination
pour la chanson et de mon talent naturel pour ce style de
communication concis, puissant et vibrant.
C’est en 1995, après une soirée turbulente passée en famille,
que je me suis tourné vers la chanson et cette forme littéraire
ne m’a plus jamais quitté. La toute première chanson que j’ai
Luc Charles Carrière. Collection personnelle. écrite s’intitule Pour de bon. J’y invitais un interlocuteur fictif
(moi-même!) à laisser exploser la colère et à pleurer un bon
FR – Quels sont tes meilleurs souvenirs coup jusqu’à ce qu’il sente de nouveau la vie circuler dans ses
durant tes études primaires et veines.
secondaires?
En 1995 et 1996, j’ai gagné deux prix du public et un grand
LCC – Durant cette période, j’emmagasinais prix au concours La Brunante à la SRC pour ma chanson
avidement les mots des autres, les Cinémaniaque.
agencements lexicaux, les phrasés, les
rythmes. J’apprenais la façon de faire danser FR – Quelle est l’histoire de cette chanson?
les mots, de les ordonner; je me familiarisais
avec leur couleur, leur texture, leur sonorité, LCC – La chanson est née tout simplement d’une de ces
et avec les figures de style, également. Tout journées d’oisiveté passées devant la télé. Lorsque je me suis
cela me stimulait. Je dévorais les livres de la « secoué les puces », comme on dit, j’ai couché sur papier mon
bibliothèque scolaire. état d’âme du moment. Ces quelques strophes ont donné le
succès franco-ontarien interprété par Les Chaizes Muzikales de
C’est aussi au secondaire que j’ai commencé Sudbury, dont un des membres était le neveu de mon copain à
à publier dans les journaux étudiants et l’époque.
régionaux. Je cherchais ma place dans
ce monde. Je suis devenu chroniqueur, FR – Quelle a été ta réaction en entendant pour la
rédacteur, puis rédacteur en chef du journal première fois ta chanson interprétée par un groupe?
étudiant. Je prenais un plaisir fou à mettre
en pages ces textes avec les moyens du LCC – Mon copain et moi sommes allés assister à La Nuit sur
bord à l’époque. Le professeur responsable l’Étang, à Sudbury. Quand le groupe a commencé à interpréter
de l’équipe de rédaction m’a même fait « ma » chanson, l’auditoire, composé surtout de jeunes, était
connaître un vrai journal, The Review. On y en liesse. Tout le monde dansait et chantait; certains ont même
faisait le montage sur presse des numéros tenté de grimper sur la scène. J’étais littéralement subjugué!
de notre journal étudiant. J’ai adoré C’était mon premier succès; je voyais ce que mes mots
l’expérience. pouvaient déclencher. Ce fut une révélation pour moi. Je n’ai
jamais oublié cette expérience.
42 LE CHAÎNON, HIVER 2021