Page 14 - chainonEte2020
P. 14

SECTION SPÉCIALE – PANDÉMIE




                                                              En prévision de cette arrivée d’immigrants prévue en
                                                              juin 1847, les autorités font construire des hôpitaux en
                                                              bois, appelés « lazarets », que l’on confie aux Sœurs
                                                              Grises de Bytown. Parfois, le nombre de malades est
                                                              si élevé que l’on ne peut accueillir tous les malades
                                                              à l’abri des intempéries. Un soir, par exemple,
                                                                                                  5
                                                              23 patients ont dû dormir sous la pluie .

                                                              À l’été 1847, les élèves, qui devaient être en vacances
                                                              jusqu’au 15 août, ne retournent à l’école qu’au mois de
                                                              novembre . En ce temps de pandémie de coronavirus,
                                                                       6
                                                              qu’en sera-t-il pour les élèves de l’élémentaire et
                                                              du secondaire au Canada au début de septembre
                                                              prochain, à la fin des vacances estivales?

                                                              Au sujet des enfants, le typhus ne les a
                                                              malheureusement pas épargnés. Quelle souffrance
                                                              d’assister avec impuissance au décès d’un petit
                                                              être qui avait toute la vie devant lui. Au milieu du
                                                              XIX  siècle, à Bytown, le destin tragique de la petite
                                                                 e
                                                              Anastasia, 9 ans, est devenu un souvenir indélébile
                                                              pour ses contemporains. Le 7 juillet 1847, la fillette a
                                                              été admise à l’hôpital des Sœurs Grises de Bytown, où
                                                              elle est décédée six jours plus tard. C’est à Élisabeth
                                                              Bruyère qu’est revenue la triste et délicate tâche de
                                                              l’ensevelir. Par surcroît, l’odeur qui se dégageait du
                                                              petit corps devenu très rapidement noir charbon était
                                                              si forte qu’Élisabeth Bruyère s’est vue privée de la
        Dès son arrivée à Bytown en 1833, le D  Edward Van Cortlandt (1805-
                                   r
        1875) aide à soigner les personnes atteintes des épidémies, dont le   mince consolation qu’elle aurait eue de vêtir le petit
        choléra (1834) et le typhus (1847). Source : Archives des Sœurs de la   ange d’une jolie robe toute propre pour son repos
        Charité d’Ottawa, P-M10a/121.                         éternel . La petite Anastasia, pour sa part, aura souffert
                                                                    7
                                                              du typhus plus de six jours; d’autres personnes, en
        Le spectre du typhus                                  revanche, rendaient leur dernier souffle en moins de
                                                                        8
        Au début de 1847, deux ans après l’arrivée d’Élisabeth   trois heures .
        Bruyère et de ses compagnes à Bytown, la supérieure
                                                                              e
        générale des Sœurs de la Charité de Montréal,         Au milieu du XIX  siècle, à Bytown, pendant
        Elizabeth McMullen, écrit à mère Bruyère : « Tâchez   l’épidémie de typhus, des parents ont pleuré la
        de faire une bonne provision de patience. Cent mille   perte d’un enfant ou de plusieurs enfants. Des
        Irlandais arrivent . » Ces immigrants amènent avec    enfants ont aussi pleuré la perte de leurs parents ou
                        3
        eux le spectre du typhus. Le 31 mai 1847, Élisabeth   grands-parents. Lorsqu’un enfant devenait orphelin
        Bruyère répond : « Nous attendons les émigrés de      de ses deux parents, les Sœurs Grises de Bytown
                                                                                       9
        jour en jour. Pour ma part, je les crains à cause de   l’accueillaient à l’orphelinat .
        la maladie contagieuse. Cependant, je ne refuse pas
        de les servir mais je ne voudrais pas mourir de cette   Des mesures de santé strictes
        maladie . » N’est-ce pas ce même message empreint à   À cette époque, un protocole strict avait été établi pour
                4
        la fois de courage et de peur que lancent à cor et à cri   soigner les pestiférés. Une lettre de sœur Saint-Joseph
        tous les membres du personnel soignant de partout
        dans le monde, aujourd’hui?
                                                              5  Ibid., p. 347.
                                                              6  Ibid., p. 354 et 376; Sœur Paul-Émile, op. cit., p. 212.
        3  Sœur Paul-Émile, sgc, Mère Élisabeth Bruyère et son œuvre. Les Sœurs   7  Sœur Paul-Émile, op. cit., p. 112-113.
           Grises de la Croix. Tome I. Mouvement général 1845-1876, p. 105.   8  Sœur Jeanne d’Arc Lortie, op. cit., p. 360.
        4  Sœur Jeanne d’Arc Lortie, op. cit., p. 343.        9  Ibid., p. 199.

     12    LE CHAÎNON, ÉTÉ 2020
   9   10   11   12   13   14   15   16   17   18   19