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SECTION SPÉCIALE – PANDÉMIE
En prévision de cette arrivée d’immigrants prévue en
juin 1847, les autorités font construire des hôpitaux en
bois, appelés « lazarets », que l’on confie aux Sœurs
Grises de Bytown. Parfois, le nombre de malades est
si élevé que l’on ne peut accueillir tous les malades
à l’abri des intempéries. Un soir, par exemple,
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23 patients ont dû dormir sous la pluie .
À l’été 1847, les élèves, qui devaient être en vacances
jusqu’au 15 août, ne retournent à l’école qu’au mois de
novembre . En ce temps de pandémie de coronavirus,
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qu’en sera-t-il pour les élèves de l’élémentaire et
du secondaire au Canada au début de septembre
prochain, à la fin des vacances estivales?
Au sujet des enfants, le typhus ne les a
malheureusement pas épargnés. Quelle souffrance
d’assister avec impuissance au décès d’un petit
être qui avait toute la vie devant lui. Au milieu du
XIX siècle, à Bytown, le destin tragique de la petite
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Anastasia, 9 ans, est devenu un souvenir indélébile
pour ses contemporains. Le 7 juillet 1847, la fillette a
été admise à l’hôpital des Sœurs Grises de Bytown, où
elle est décédée six jours plus tard. C’est à Élisabeth
Bruyère qu’est revenue la triste et délicate tâche de
l’ensevelir. Par surcroît, l’odeur qui se dégageait du
petit corps devenu très rapidement noir charbon était
si forte qu’Élisabeth Bruyère s’est vue privée de la
Dès son arrivée à Bytown en 1833, le D Edward Van Cortlandt (1805-
r
1875) aide à soigner les personnes atteintes des épidémies, dont le mince consolation qu’elle aurait eue de vêtir le petit
choléra (1834) et le typhus (1847). Source : Archives des Sœurs de la ange d’une jolie robe toute propre pour son repos
Charité d’Ottawa, P-M10a/121. éternel . La petite Anastasia, pour sa part, aura souffert
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du typhus plus de six jours; d’autres personnes, en
Le spectre du typhus revanche, rendaient leur dernier souffle en moins de
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Au début de 1847, deux ans après l’arrivée d’Élisabeth trois heures .
Bruyère et de ses compagnes à Bytown, la supérieure
e
générale des Sœurs de la Charité de Montréal, Au milieu du XIX siècle, à Bytown, pendant
Elizabeth McMullen, écrit à mère Bruyère : « Tâchez l’épidémie de typhus, des parents ont pleuré la
de faire une bonne provision de patience. Cent mille perte d’un enfant ou de plusieurs enfants. Des
Irlandais arrivent . » Ces immigrants amènent avec enfants ont aussi pleuré la perte de leurs parents ou
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eux le spectre du typhus. Le 31 mai 1847, Élisabeth grands-parents. Lorsqu’un enfant devenait orphelin
Bruyère répond : « Nous attendons les émigrés de de ses deux parents, les Sœurs Grises de Bytown
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jour en jour. Pour ma part, je les crains à cause de l’accueillaient à l’orphelinat .
la maladie contagieuse. Cependant, je ne refuse pas
de les servir mais je ne voudrais pas mourir de cette Des mesures de santé strictes
maladie . » N’est-ce pas ce même message empreint à À cette époque, un protocole strict avait été établi pour
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la fois de courage et de peur que lancent à cor et à cri soigner les pestiférés. Une lettre de sœur Saint-Joseph
tous les membres du personnel soignant de partout
dans le monde, aujourd’hui?
5 Ibid., p. 347.
6 Ibid., p. 354 et 376; Sœur Paul-Émile, op. cit., p. 212.
3 Sœur Paul-Émile, sgc, Mère Élisabeth Bruyère et son œuvre. Les Sœurs 7 Sœur Paul-Émile, op. cit., p. 112-113.
Grises de la Croix. Tome I. Mouvement général 1845-1876, p. 105. 8 Sœur Jeanne d’Arc Lortie, op. cit., p. 360.
4 Sœur Jeanne d’Arc Lortie, op. cit., p. 343. 9 Ibid., p. 199.
12 LE CHAÎNON, ÉTÉ 2020