Page 236 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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-  Et ne nous aurait pas plus réjouis, dit Arché, si nous
                                   eussions eu l'avantage d'entendre les paroles de ce vénérable
                                   personnage.
                                     Comme la marée était haute et magnifique, de Locheill
                                   proposa à Blanche une promenade sur la belle grève, aux
                                   anses sablonneuses, qui s'étend du manoir jusqu'à la petite
                                   rivière Port-Joli.
                                     -  Je retrouve partout, dit Arché lorsqu'ils furent le long
                                   du fleuve, que le soleil couchant frappait de ses rayons, je
                                   retrouve partout des objets, des sites qui me rappellent de
                                   bien doux souvenirs 1 C'est ici que je vous faisais jouer,
                                   lorsque vous étiez enfant, avec les coquilles que je ramas-
                                   sais tout le long de ce rivage; c'est dans cette anse que je
                                   donnais à mon frère Jules les premières leçons de natation;
                                   voici les mêmes fraisiers et framboisiers où nous cueillions
                                   ensemble les fruitages que vous aimiez tant; c'est ici, qu'as-
                                   sise sur ce petit rocher, un livre à la main, tandis que nous
                                   chassions, votre frère et moi, vous attendiez notre retour
                                   pour nous féliciter de nos prouesses, ou vous moquer de
                                   nous lorsque notre gibecière était vide; il n'y a pas un arbre,
                                   un buisson, un arbrisseau, un fragment de rocher qui ne soit
                                   pour moi une ancienne connaissance, que je revois avec plai-
                                   sir. Quel heureux temps que celui de l'enfance et de l'ado-
                                   lescence! Toujours à la jouissance du moment, oublieuse
                                   du passé, insouciante de l'avenir, la vie s'écoule aussi pai-
                                  sible que l'onde de ce charmant ruisseau que nous fran-
                                   chissons maintenant. C'est alors que nous étions vraiment sa-
                                  ges, Jules et moi, lorsque nos rêves ambitieux se bornaient
                                  à passer nos jours ensemble sur ce domaine, occupés de
                                  travaux et de plaisirs champêtres.
                                    -  Cette vie paisible et monotone, interrompit Blanche, est
                                  celle à laquelle notre faible sexe nous condamne: Dieu, en
                                  donnant à l'homme la force et le courage, lui réservait de
                                  plus nobles destinées. Quel doit être l'enthousiasme de l'hom-
                                  me au milieu des combats! quel spectacle plus sublime que
                                  le soldat affrontant cent fois la mort dans la mêlée, pour ce
                                  qu'il a de plus cher au monde! Quel doit être l'enivrement
                                  du guerrier, lorsque le clairon sonne la victoire 1
                                    La noble jeune fille ignorait tout autre gloire que celle
                                   du soldat: son père, presque toujours sous le drapeau, ne
                                   revenait au sein de sa famille que pour l'entretenir des
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