Page 240 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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La noble fille bondit comme si une VIpere l'eût mordue;
                                   et, pâle de colère, la lèvre frémissante, elle s'écria:
                                     -  Vous m'offensez, capitaine Archibald Cameron de Lo-
                                   cheill ! Vous n'avez donc pas réfléchi à ce qu'il y a de bles-
                                   sant, de cruel dans l'offre que vous me faites! Est-ce lorsque
                                   la torche incendiaire que vous et les vôtres avez promenée
                                   sur ma malheureuse patrie, est à peine éteinte, que vous
                                   me faites une telle proposition? Est-ce lorsque la fumée
                                   s'élève encore de nos masures en ruine que vous m'offrez
                                   la main d'un des incendiaires? Ce serait une ironie bien
                                   cruelle que d'allumer le flambeau de l'hyménée aux cendres
                                   fumantes de ma malheureuse patrie! On dirait, capitaine
                                   de Locheill, que, maintenant riche, vous avez acheté avec
                                   votre or la main de la pauvre fille canadienne; et jamais une
                                   d'Haberville ne consentira à une telle humiliation. Oh 1 Ar-
                                   ché ! je n'aurais jamais attendu cela de vous, de vous, l'ami
                                   de mon enfance! Vous n'avez pas réfléchi à l'offre que vous
                                   me faites.
                                     Et Blanche, brisée par l'émotion, se rassit en sanglotant 1.
                                     Jamais la noble fille canadienne n'avait paru si belle aux
                                   yeux d'Arché qu'au moment où elle rejetait, avec un superbe
                                   dédain, l'alliance d'un des conquérants de sa malheureuse
                                   patrie.
                                     -  Calmez-vous, Blanche, reprit de Locheill: j'admire votre
                                   patriotisme; j'apprécie vos sentiments exaltés de délicatesse,
                                   quoique bien injustes envers moi, envers moi votre ami d'en-
                                   fance. Il vous est impossible de croire qu'un Cameron of
                                   Locheill pût offenser une noble demoiselle quelconque, en-
                                   core moins la sœur de Jules d'Haberville, la fille de son
                                   bienfaiteur. Vous savez, Blanche, que je n'agis jamais sans
                                   réflexion: toute votre famj))e m'appelait jadis le grave phi-
                                   losophe et m'accordait un jugement sain. Que vous eussiez
                                   rejeté avec indignation la main d'un Anglo-Saxon, aussi peu
                                   de temps après la conquête, aurait peut-être été naturel à
                                   une d'Haberville; mais moi, Blanche, vous savez que je vous
                                   aime depuis longtemps, vous ne pouvez l'ignorer malgré mon

                                     1. Historique. Une demoiselle canadienne, dont je tairai le
                                   nom, refusa, dans de semblables circonstances, la main d'un riche
                                   officier écossais de l'armée du général Wolfe.
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