Page 241 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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silence. Le jeune homme pauvre et proscrit aurait cru man-
quer à tous sentiments honorables en déclarant son amour
à la fille de son riche bienfaiteur.
Est-ce parce que je suis riche maintenant, continua de
Locheill, est-ce parce que le sort des armes nous a fait sortir
victmieux de la lutte terrible que nous avons soutenue contre
vos compatriotes; est-ce parce que la fatalité m'a fait un
instrument involontaire de destruction, que je dois refouler à
jamais dans mon cœur un des plus nobles sentiments de la
nature, et m'avouer vaincu sans même faire un effort pour
obtenir celle que j'ai aimée constamment? Oh! non, Blan-
che, vous ne le pensez pas: vous avez parlé sans réflexion;
vous regrettez déjà les paroles cruel1es qui vous sont échap-
pée. et qui ne pouvaient s'adresser à votre ancien ami.
Parlez, Blanche, et dites que vous les désavouez; que vous
n'êtes pas insensible à des sentiments que vous connaissez
depuis longtemps.
-- Je serai franche avec vous, Arché, répliqua Blanche,
candide comme une paysanne qui n'a étudié ni ses senti-
ments, ni ses réponses dans les livres, comme une campa·
gmude qui ignore les convenances d'une société qu'elle ne
fréquente plus depuis longtemps, et qui ne peuvent lui impo-
ser une réserve de convention, et je vous parlerai le cœur sur
les lèvres. Vous aviez tout, de Locheill, tout ce qui peut
captiver une jeune fille de quinze ans: naissance illustre,
esJ'rit, beauté, force athlétique, sentiments généreux et éle-
ves: que fallait-il de plus pour fasciner une jeune personne
enthousiaste et sensible? Aussi, Arché, si le jeune homme
pauvre et proscrit eût demandé ma main à mes parents, qu'ils
vous l'eussent accordée, j'aurais été fière et heureuse de
leur obéir; mais, capitaine Archibald Cameron de Locheill,
il y a maintenant entre nous un gouffre que je ne franchirai
jamais.
JEt les sanglots étouffèrent de nouveau la voix de la noble
demoiselle.
.- Mais, je vous conjure, mon frère Arché, continua-t-elle
en lui prenant la main, de ne rien changer à votre projet de
VOIlS fixer au Canada. Achetez des propriétés voisines de cet-
te seigneurie, afin que nous puissions nous voir souvent,
trè:. souvent. Et si, suivant le cours ordinaire de la nature
(car vous avez huit ans de plus que moi), j'ai, hélas 1 le
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