Page 148 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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LES ANaENS CANADIENS 149
car chaque vague qui déferlait sut l'épave, empottait quelque
nouvelle victime, Je restai donc Sut la plage depuis trois
heutes de relevée que nous échouâmes, jusqu'à six heures du
soir que le vaisseau se brisa. Ce fut un spe<:tacle bien navtant
que les cent quatorze cadavtes étendus sur le sable, dont beau-
coup avaient bras et jambes cassés, ou pattaient d'autres mat·
ques de la rage des éléments!
Nous passâmes une nuit sans sommeil, et presque silencieux,
tant était grande notre consternation. le 16 au matin, nous
tetournâmes sur la rive, où gisaient les corps de nos malheureux
compagnons de naufrage. Plusieurs s'étaient dépouillés de
leurs vêtements pour Se sauver à la nage; tous portaient plus
ou moins des marques de la fureur des vagues. Nous passâmes
la journée à leur rendte les devoirs funèbres, autant que notre
triste situation et nos forces le permettaient.
Il fallut, le lendemain, quitter cette plage funeste et inhospi.
talière, et nous diriger vers l'intérieur de ces terres inconnues.
L'hiver s'était déclaré dans toute sa rigueur: nous cheminions
dans la neige jusqu'aux genoux. Nous étions obligés de faire
sauvent de longs détours pour traverser l'eau glacée des rivières
qui interceptaient notre route. Mes compagnons éraient si
épuisés par la faim et la fatigue, qu'i! me faIlait souvent faire
ces trajets à plusieurs reprises pour rapporter leurs paquets,
qu'ils n'avaient pas eu la force de porter. Ils avaient entière·
ment perdu courage; et j'étais souvent obligé de leur faire des
chaussures pour couvrir leurs pieds ensanglantés.
Nous nous traînâmes ainsi, ou plutôt je les traînai pour ainsi
dire à la remorque (car le courage, ni même les forces ne me
faillirent jamais), jusqu'au 4 décembre, que nous rencontrâmes
deux sauvages. Peindre la joie, l'extase de meS compagnons,
qui attendaient à chaque instant la mort pour mettre fin à leurs
souffrances atroces, serait au-dessus de toute description. Ces
aborigènes ne me reconnurent pas d'abord en me voyant avec
ma longue ,barbe, et changé comme j'étais après tant de souf-