Page 146 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
P. 146

LES ANOENS CANADIENS                                  147

         les nues pour redescendre aussitôt dans l'abîme.  Une secousse
         terrible nous annonça que le navire avait touché fond.  Nous
         coupâmes alors mâts et cordages pour l'alléger; il arriva, mais la
         puissance des vagues le tourna sur le côté.  Nous étions échoués
         à environ cent cinquante pieds du rivage, dans une petite anse
         sablonneuse qui barrait la petite rivière où nous espérions trou-
         ver un refuge.  Comme le navire faisait déjà eau de toutes
         parts, les passagers se précipitèrent sur le pont; les uns même,
         se croyant sauvés, se jetèrent à la mer et péritent.
            Ce fut à ce moment que madame de Mézière parut sur le
         tillac, tenant son jeune enfant dans ses bras; ses cheveu>: et ses
         vêtements étaient en désordre: c'était l'image du désespoir
         personnifié.  Elle s'agenouilla; puis m'apercevant, elle s'écria:
          « Mon cher de Saint-Luc, il faut donc mourir! »
            Je courais à son secours, quand une vague énorme, qui déferla
         sur le pont, la précipita dans les fiots.
           - Pauvre amie! compagne de mon enfance, s'écria madame
         d'Haberville au milieu de ses sanglots; pauvre sceur, que la
         même nourrice a allaitée!  On a voulu me faire croire que
         j'étais en proie à une surexcitation nerveuse, produite par
         l'inquiétude qui me dévorait, lorsque je t'ai vue toute éplorée
         pendant mon sommeil, le 17 novembre, sur le tillac de
         l'Auguste, avec ton enfant dans les bras, et lorsque je t'ai vue
         disparaître sous les fiots!  Je ne me suis point trompée;
         pauvre sceur! elle voulait me faire ses adieux avant de monter
         au ciel avec l'ange qu'elle tenait dans ses bras!
            Après un certain temps donné aux émotions douloureuses
         que ce récit avait causées, monsieur de Lacorne continua sa
         narration:
            - Equipage et passagers s'étaient accrochés aux haubans et
         galahans pour résister aux vagues qui, déferlant sur le navire,
         faisaient à chaque instant leur proie de quelques nouvelles
         victimes: qu'attendre, en effer, d'hommes exténués et de faibles
         femmes?    Il nous restait, pour toute ressource, deux chalou·
   141   142   143   144   145   146   147   148   149   150   151