Page 117 - La Généalogie retrouver ses ancêtres

liS LES ANCIENS CANADIENS

père dans une auberge d'Edimbourg; mais moi aussi j'ai la
mémoire tenace; je ne porterai pas toujours cette livrée qui me
lie les mains, et tôt ou tard je doublerai la dose sur tes épaules,
car tu serais trop lâche pour me rencontrer face à face; un
j homme aussi barbare que toi doit être étranger à tout noble

1 sentiment, même à celui de la bravoure, que l'homme partage
en commun avec l'animal privé de raison. Sois maudit toi et
j
j toute ta race! Puisses-ru, moins heureux que ceux que ru as
privés d'abri, ne pas avoir, lorsque ru mourras, une seule pierre
pour reposer ta tête! Puissent toutes les furies de l'enfer...
Mais, voyant qu'i1 s'épuisait dans une rage impuissante, il
s'éloigna en gémissant.
Le moulin, sur la rivière des Trois-Saumons, ne fut bientÔt
qu'un monceau de cendres; et l'incendie des maisons que possé-
dait à Québec le capitaine d'Haberville, qui eut lieu pendant le
siège de la capitale, compléta sa ruine.
De Locheill, après avoir pris les précautions nécessaires à la
sûreté de sa compagnie, se dirigea vers l'ancien manoir de ses
amis, qui n'offrait plus qu'une scène de désolation. En prenant
par les bois, qu'il connaissait, il s'y transporta en quelques minu-
tes. Là, assis sur la cime du cap, il contempla longtemps, silen-
cieux et dans des angoisses indéfinissables, les ruines fumantes à
ses pieds. II pouvait être neuf heures; la nuit était sombre;
peu d'étoiles se montraient au firmament. II lui sembla néan-
moins distinguer un être vivant qui errait près des ruines:
c'était, en effet, le vieux Niger, qui, levant quelques instants
après la tête vers la cime du cap, poussa trois hurlements plain-
tifs: il pleurait aussi, à sa manière, les malheurs de la famille
qui l'avait nourri.

- Mais j'ai été stupide et lâche, fit de Locheill en grinçant
des dents; je devais déclarer devant mes soldats, pourquoi je
refusais d'obéir; et, quand bien même Montgomery m'eût fait
fusiller, m'eût traduit devant un tribunal militaire. on aurait,