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LA GRANDE HISTOIRE

Hans-Ludwig Blohm et France Rivet. Photo : Micheline Leblanc, 2009. Johannes Lampe et Hartmut Lutz. Hambourg, 2014. Photo : France Rivet.
à l’Institut des études canadiennes de l’Université Inuits après leur décès? Où avaient-ils été enterrés? Le
d’Ottawa. Le bulletin de l’Institut fait état de ses livre était silencieux à ce sujet.
projets et mentionne qu’il est à la recherche d’un
éditeur pour le journal d’Abraham. La directrice des Au moment du débarquement, une de nos guides
Presses de l’Université d’Ottawa, Ruth Bradley-St-Cyr, inuites, Zipporah Nochasak, s’approche toute excitée
saute alors sur l’occasion! Deux ans plus tard, Hartmut de Hans-Ludwig . Elle venait de le reconnaître dans
tient entre ses mains le livre The Diary of Abraham le livre d’Hartmut Lutz. Elle était convaincue que
Ulrikab: Text and Context. Il a ainsi tenu la promesse les personnes décédées en Europe sont ses ancêtres .
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qu’il avait faite à ses étudiants. Quelques mois plus tard, elle et moi allions rejoindre
Hans-Ludwig chez lui pour discuter d’Abraham.
Deux Ottaviens ont collaboré à la publication du Le français étant ma langue maternelle, je leur
livre : le photographe Hans-Ludwig Blohm, qui met fais la promesse, qu’à temps perdu, je tenterais de
à la disposition de Harmut sa collection de photos du documenter davantage le séjour du groupe d’Inuits
Labrador, et l’artiste inuit Alootook Ipellie, qui illustre à Paris.
la couverture et signe la préface.
De surprenantes découvertes
La tuque Il m’a fallu près d’une année pour découvrir les

En juillet 2009, je suis à bord d’un bateau de croisière informations manquantes. Deux articles ont attiré
qui longe les côtes du Labrador et je constate qu’un mon attention. Le premier m’apprend que des
passager porte une tuque identique à la mienne. anthropologues français ont étudié la calotte crânienne
Je dois à tout prix lui parler. Ce passager est le de l’épouse de Tigianniak; l’autre que les cerveaux
photographe Hans-Ludwig Blohm, maintenant âgé de d’Abraham, d’Ulrike et de Tobias ont été moulés. Cette
82 ans. Nous faisons connaissance et devenons amis calotte et ces moulages de plâtre seraient-ils conservés
instantanément. Alors que nous approchons du village dans un musée parisien? Je tente ma chance auprès du
fantôme de Hebron, il me raconte l’histoire tragique Muséum national d’Histoire naturelle.
d’Abraham et me conseille de lire le livre d’Hartmut
Lutz, dont il a fait don à la bibliothèque du navire. Dès le lendemain matin, je reçois une réponse. Le
responsable des collections d’anthropologie biologique
À la lecture de ce récit, j’ai été abasourdie, choquée et du Muséum, Philippe Mennecier, m’informe que
fascinée tout à la fois. Je n’avais jamais entendu parler les moulages des cerveaux ne sont pas dans leur
de ces « zoos humains », où l’on exhibait des êtres collection, mais la calotte, si. La suite de son message
humains, simplement parce qu’ils venaient de contrées
lointaines. Mais quelque chose me tracassait : l’histoire 4 Zipporah n’a jamais pu prouver le lien biologique l’unissant à Abraham
était incomplète. Qu’était-il advenu des restes des ou à Tigianniak. Cela dit, pour la communauté inuite du Labrador tous
leurs prédécesseurs sont leurs ancêtres.

LE CHAÎNON, HIVER 2021 9