Page 22 - Transcriptions d'actes notariés - Tome 20 - 1682-1686
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r Le  lendemain  de  notre  arrivk était  donc le  jour  de la  venue  du
                                   missionnaire.  Leci  missions  du  Nord  étaient  alom  desfierviee  par  M.
                                   LCourtois,  un  prêtre  français  éehappé  aux  massacres  de  la  révolution
                                   française.
                                       Dès  le matin  les  sauvagm  étaient  sur  I'alerte,  se préparant  à  rece
                                   voir  leur  Père.  Leurs  cabanes,  an  nombre  d'une  trentaine,  étaient  dis-
                                   persée~ sur le plateau,  en  arriérc de la  ehapelle et des maisons Fouges du
                                   paste,  au milieu  des  petits  bouquets  de  sapin.  Vers  la  mi-matinée,  on
                                   vit  le canot du Père LeCourtois dédoubler la Pointe,  accompagné  de plu-
                                   sieurs aulres  eanots  de  sauvages  qui  lui  [aisaient  morte.  Alors  sortir
                                   des  cabanes  toute  la population  montagnaise,  lm hommes  en tête  arméa
                                   de  leurs  fusils,  puis  les  iemmes  suivies  des  enfants.  h hommes  se
                                   mirent  en  rnng  devant  la  ehapelle,  et  commeneèrent  une  fusillade  qui
                                   dura jusqu'l  ce que le canot du mi~ionnaire fut prés de toucher le sable
                                   de la baie.  h femmes, coiflk de leurs jolis  bonnets, étaient groupées,
                                   avec lea enfants, tout  autour  du  talus  de la  dune.
                                       Quand le eanot du  missioimaire prit  terre, taus les Montagnais des-
                                   eendirent  la  cote,  pour  le recevoir  au  rivage  et  lui  donner  la  main,  les
                                   hommes les premiers et les femmes ensuite ; le Père LeCourtois allait de
                                   l'un  à l'autre  à  traverri leri  groupes,  donnant à ehacun  la  main, en  répé-
                                   tant :  = Koille ! Koille  !  Bonjour  !  Bonjour ! *  h Père  se  rendit
                                   ensuite,  aeeompagné de  tout soi troupeau,-à  la chapelle,  pour  offrir  une
                                   prière au Seigneur  d remercier  Marie  de sa  protection.
                                       Dans l'après-niidi eut lieu le baptême de tous les enfants nés  depuis
                                   la  dernière  visite  du  missionnaire.  C'était  vraiment  toucbant  de  voir
                                   tous  eer,  bons  ciauvages  et  ces bonnes  sauvagesm,  les  pères,  les  par-
                                   raina  et  les  marraines  debout  en  rang  devant  les  balustres  pendant  la
                                   eérémanie.  11  y  eut ensuite salut : leri  sauvages chantèrent  des cantiques
                                   dans  leur  langue ; les  hommes,  tous  plaeéri  du  même  eôté,  disent  un
                                   verset,  puis  les  iemmes,  rangées  de  l'autre  coté,  répondent  par  le  verset
                                   suivant.  11s  chantent  à  ravir,  surtout les femmes.

                                       Le soir, tard, après la brunante,  tous les sauvages, hommes, femmes
                                   et  enfants.. . E rendirent  au  eimetière,  et  la,  à  genoux  autour  de  la
                                   grande croix,  ils ehnntérent  un  Libera  pour  les âmm  de  leurs parents et
                                   amis défunts.. .  Ji n'ai jamais  entendu rien  de plus solennel et de plus
                                   touchant  qne ee  ehant,  si  magnifiquement  triste,  redit  au  sein  du  calme
                                   et  des  ténèbres  de  la  nuit,  au  milieu  des  tombeaux.  C'est  encore  plus
                                   beau  quand  le  vent  sode et que  la tempête  gronde.
                                       L lendemain,  le  Père LeCourtois  chanta  la  messe solennelle,  après
                                   IaqueIle  il  fit  l'enterrement  d'un  vieillard  mort  deux  joura  auparavant.
                                   En  pareille  eirconstance,  tous  les  sauvageri  sans  y  nianquer,  honinies,
                                   femmes et enfants,  viennent religieusement  jeter,  chacun  à  son tour, sur
                                   le  cercueil  descendu  dans la fo~ee, troia  poignées  de terre.

                                       k pauvre  missionnaire  n'avait  pas  dc  repos ; du  niomeiit  de  Bon
                                   arrivée  au  moment  de son  départ,  il  tut  eonstamment  occupé  à  l'autel
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