Page 101 - monseigneur
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frère a eu une autre aventure, qu'il nous plaisait bien de l'en-
                                  tendre raconter. Mon frère voulait lui donner une leçon: il
                                  s'est placé en face de Coq et, le tenant par la bride, il s'est
                                  lancé pour lui donner un coup de poing sur le nez. Le cheval
                                  s'est reculé un peu et s'est ouvert la bouche! Mon frère s'est
                                  frappé le poing sur les dents du cheval... (il paraît que c'est
                                  dur) et est tombé à la renverse, presque sans connaissance! Il
                                  parlait au cheval tranquillement: «Wo, Coq, wo, Coq (ar-
                                  rête) ! » mais le cheval avait toujours la bouche ouverte et
                                  regardait Séraphin, en riant 1C'était mourant (très drôle) de
                                  l'entendre raconter ça.
                                     Une autre fois, j'étais dans le rack (limonière) vide. Ren-
                                  due à la grange, j'ai voulu sauter par-dessus les côtés, mais
                                  des bouts de barreaux dépassaient et ma robe de droguet s'est
                                  accrochée après un barreau. Je me suis trouvée suspendue
                                  dans le vide, les jambes battant l'air, rien pour m'aider! C'est
                                  encore mon frère aîné qui est venu me décrocher. J'en ai
                                  encore braillé mon soûL J'étais bien humiliée, aussi, quand ma
                                  manche de robe était percée au coude; j'appelais ça mon
                                  malheur! On riait de moi, mais j'étais très jeune et je me
                                  consolais plus vite.
                                     L'autre humiliation que j'ai subie, ç'a été à l'école. Quand
                                  les élèves savaient la date de notre fête, elles nous donnaient la
                                 bascule. Je savais donc ce qui m'attendait cette fois-là et ce
                                 qui m'embêtait, c'est qu'un de mes souliers de «beu »était
                                  percé! Je me faisais petite, mais il y a toujours, autour de
                                 nous, des entreprenantes. Ça n'a pas manqué! Suspendue par
                                  les mains et les pieds,j'ai subi la bascule! Mon soulier percé a
                                 été revoler plus loin, à la vue de toutes les élèves. J'ai braillé
                                 encore et j'en ai voulu longtemps à celle qui avait pris cette
                                 initiative. J'y pense encore et ce soulier passe souvent devant
                                  mes yeux!
                                     La gêne dont j'étais pourvue a été une vraie barrière pour
                                 moi. On dit que c'est de l'orgueil. C'est probablement vrai,

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