Page 143 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
P. 143

AARON  HART                     145

     mentalité de gens mesquins et bas, qui méritaient
     bien  la  pauvreté dans laquelle ils se débattaient.
     Mais pourtant ses compatriotes, il les aurait main-
     tenant aimés plus riches et moins fielleux.

         En  méditant  ainsi, c'était,  au fond,  l'avenir
     de  ses fils qui l'inquiétait.  Sauraient-ils, eux, tri-
     ompher  de  l'antipathie  générale?  Et  c'était  pour
     eux qu'il  acceptait  ainsi de  saluer  avec un aima-
     ble  sourire ses clients  redoutés, à  les saluer  avee
     des  gestes  qui,  physiquement,  le  faisaient  souf-
     frir, car alors il sentait le travail de la funeste ma-
     ladie qu'il  redoutait  aussi.

         Ce  martyre  dura  tout  l'été  et  une  partie  de
     l'automne.  Graduellement, cet homme que la ma-
     ladie n'avait  jamais  courbé se sentait dépbrir. La
     mort  bientôt - il  le savait - aurait  raison  de lui.
     Mais lui seul s'en  rendait compte et cette solitude
     abominable augmentait  son supplice.  Il aurait  ai-
     mé mourir là,  tout d'un  coup,  comme  on  bâcle
     une affaire, sans hésitation, et il était prêt, pour la
     première fois de sa vie, à s'avouer  vaincu.

         Mais le supplice  traîna  des mois.  Jusqu'à  no-
     vembre, il put  se rendre  chaque jour  au magasin
   138   139   140   141   142   143   144   145   146   147   148