Page 26 - La Généalogie retrouver ses ancêtres
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LES ANCIENS CANADIENS 27
Tandis que Jules secouait la tête sans répondre, José prit
la parole.
- Quand mon père, dans les veillées, nous dit-il, racontait
ses tribulations, tOut le corps nous en frissonnait comme des
fiévreux, que ça faisait plaisir à voir; mais, enfin, je ferai de
mon mieux pout vous contenter.
Si donc qu'un jour, mon défunt père, qui est mort, avait
laissé la ville pas mal tard, pour s'en retourner chez nous; il
s'était même diverti, comme qui dirait, à pintocher tant soit
peu avec ses connaissances de la Pointe-Lévis: il aimait un peu
la goutte, le brave et honnête homme! à telle fin qu'il portait
toujours, quand il voyageair, un Bacon d'eau-de-vie dans son
sac de loup marin; il disait que c'était le lait des vieillards.
- Lac dulce, dit de Locheill sentencieusement.
- Sauf le respect que je vous dois, monsieut Arché, reprit
José, avec un peu d'humeur, ce n'était pas de l'eau douce, ni de
l'eau de lac, mais bien de la honne et franche eau-de-vie que
mon défunt père portait dans son sac.
- Excellent! sur mon honneur, s'écria Jules; te voilà bien
payé, grand pédant, de tes éternelles citations latines!
- Pardon, mon cher José, dit de Locheill de son ton le
plus sérieux, je n'avais aucunement l'intention de manquer à
la mémoire de votre défunt père.
-Vous êtes tout excusé, monsieur, dit José tout à coup
radouci. Si donc que, quand mon défunt père voulut parrir, il
faisait tout à fait nuit. Ses amis firent alors tout leur possible
pour le garder à coucher, en lui disant qu'il allait bien vite
passer tout seul devant la cage de fer où la Corriveau faisait sa
pénitence, pour avoir tué son mari.
Vous l'avez vue vous-mêmes, mes messieurs, quand nous
avons quitté la Pointe-Lévis à une heure: elle était bien tran-
quille dans sa cage, la méchante bête, avec son crâne sans yeux;
mais ne vous y fiez pas; c'est une sournoise, allez! Si elle ne