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LES ANCIENS CANADIENS                                  19

         distribuait dans la classe, Jules d'Habecville en empochait dix·
         neuf pour sa pm.
           Il faut avouer aussi que les grands écoliers, souvent à bout
         de patience, lui donnaient plus que sa part de taloches; mais,
         bah! on aurait cru que tout cela n'était que douceur, tant le
         gamin était toujours prêt à recommencer ses espiègleries. Il faut
         bien dire aussi que, sans avoir positivement de la rancune, Jules
         n'oubliait jamais une injure; qu'il s'en vengeait toujours d'une
         manière ou d'une autre. Ses sarcasmes, ses pointes acérées, qui
         faisaient rougir l'épiderme, arrivaient toujours à propos soir à
         l'adresse des maîtres mêmes, soir à celle des grands écoliers
         qu'il ne pouvait atteindre autrement.
           Il avait pour principe de ne jamais s'avouer vaincu; et il
         fallait, de guerre lasse, finir par lui demander la paix.
           On croira sans doute que cer enfant devait être détesté,
         Aucunement : tout le monde en raflolait; c'était la joie du
         collège. C'est que Jules avait un cœur qui bat, hélas! rarement
         sous la poitrine de l'homme. Dire qu'il était généreux jusqu'à
         la prodigalité, qu'il étair toujours prêt à prendre la défense des
         absents, à se sacrifier pour cacher les fautes d'autrui, ne saurait
         donner une idée aussi juste de son caractère que le trait suivant.
         Il étair âgé d'environ douze ans, lorsqu'un grand, perdant pa-
         tience, lui donna un fort coup de pied, sans avoir néanmoins
         l'intention de lui faire autant de mal. Jules avait pour prin-
         cipe de ne porter aucune plainte aux maîtres contre ses con-
         disciples: cette conduite lui semblait indigne d'un jeune gen-
         tilhomme. Il se contenta de lui dire: «Tu as l'esprit trop obtus,
         féroce animal, pour te payer en sarcasmes; tu ne les compren-
         drais pas; il faur percer l'épiderme de ton cuir épais; sois
         tranquille, tu ne perdras rien pour attendre! »
           Jules, après avoir rejeté certains moyens de vengeance, assez
         ingénieux pourtant, s'arrêta à celui de lui raser les sourcils
        pendant son sommeil, punition d'autant plus facile à infliger
         que Dubuc, qui l'avair frappé, avait le sommeil si lourd qu'il
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