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Le second groupe de producteurs de cartes reléve directement
des autorités civiles. En premier lieu, le Bureau de I'arpenteur général
supervise l'essentiel de la production cartographique civile de la colonie.
Ensuite, le rôle du Bureau des terres de la Couronne s'accroît considé-
rablement au cours de la première moitié du xixe siècle, au point où it
absorbe le Bureau de I'arpenteur général en 1845. Enfin, les grands voyers.
contrairement aux préc6dents, perdent graduellement de l'importance,
jusqu'à leur disparition au début des années 1840.
Le troisième groupe de producteurs englobe tous les arpenteurs
privés qui travaillent pour des individus et des compagnies et sur lesquels
l'État n'exerce pas un contrble direct. Cependant, il établit les règles et la
procédure de l'arpentage et, par l'entremise de l'arpenteur géndral qui
donne accés à la pratique, il étend son pouvoir. De plus, le Bureau de
I'arpenteur gén6ral et celui des tetres de la Couronne ont longtemps &té
les principaux employeurs des arpenteurs privés et, de ce fait, ont in-
fluencé leur pratique.
Les administrateurs coloniaux ont donc la mainmise sur presque
toute la production cartographique. De ce fait, l1€tat exerce un contrôle
sur le choix des éléments de contenu des cartes, c'est-8-dire sur l'image
cartographique du territoire. Le choix des Blérnents représentés n'est pas
le fruit du hasard, mais plut6t le résultat d'une fonction que l'on destine
au document. II est possible d1exag6rer l'importance du relief pour faire
croire b la pr8sence d'une frontière naturelle infranchissable, tout comme
on peut choisir d'insister sur la représentation des industries, afin de don-
ner l'image d'un territoire en pleine expansion économique, donc très
productif. La carte est en quelque sorte un discours, dont les éléments de
composition serviront habituellement les intérêts de celui qui en contrôle
la production, c'est-à-dire l'État.
Ce r81e de discours donne à la carte un pouvoir qui peut influencer
les individus et les sociétés qui l'utilisent. Nous avons montré comment
~'Etat intervenait sur les deux premibres composantes du processus de
communication cartographique, en l'occurrence le producteur et la carte,
mais un troisi8me élément est tout aussi important, soit le destinataie.
Selon qu'elle est plus ou moins diffusée et accessible, la carte aura une
incidence plus ou moins importante sur les dirigeants et sur les sociétbs
en général. Aussi convient-il de s'y intéresser, comme témoin des chan-
gements survenus dans la sociét6 québécoise. Dans quelle mesure la
carte a-t-elle influence les mentalités, a-t-elle contribue 3 la définition des
aires culturelles, des territorialités québécoises ? Autant de questions aux-
quelles l'histoire de la cartographie au Québec pourrait s'intéresser.