Page 249 - index
P. 249
Conclusion
La carte n'est pas une image neutre et objective d'un espace donné
Elle peut Atre considérée comme une représentation sélective des 616-
ments de composition d'un paysage, c'est-à-dire un discours sur un terri-
toire. II y a de multiples façons de voir la cartographie, et l'une d'elles
nous incite A l'examiner comme un objet ou un instrument du pouvoir.
Selon les époques et les lieux, ces differentes formes de pouvoir tnter-
vcennent dans le processus de réalisation d'une carte et. souvent, c'est
l'ttat qui contrôle la production de l'image cartographique du territoire.
Le territoire colonial se prête particulierement 3 cette interpréta-
tion. Dans un tel contexte, l'espace occupe une place prépondkrante,
puisqu'il est le champ de l'action, le lieu où se manifestent les stratégies
de l'État. Outil par excellence pour apprivoiser l'espace, la carte repré-
sente donc aux yeux des autorites un objet qu'il faut contrôler.
C'est ce qui se produit dans la vallée laurentienne. Au lendemain
de la conqudte de la Nouvelle-France par les Britanniques. les nouveaux
dirigeants établissent d'abord un gouvernement militaire auquel succé-
dera une structure administrative coloniale, dont les objectifs seront I'oc-
cupation et l'exploitation de I'espace, ainsi que I'assimtlation du peuple
conquis. L'un des instruments alors utilise sera prkcisément la production
cartographique. Les cartes sont, en d'autres mots. les temoins des stra-
tégies d'aménagement, d'organisation et d'exploitation de l'espace par
l'administration britannique.
Pour s'assurer du contenu de l'image cartographique produite ajors
au Québec, l'État doit garder la haute main sur les producteurs. Au cours
des 80 années qui suivent la Conquête, on compte trois pôles majeurs de
production cartographique qui sont tous, plus ou moins, sous la gouverne
de l'État. Il y a d'abord les militaires, comprenant l'armée et la marine.
C'est le Corps des ingénieurs royaux qui effectue les travaux pour I'ar-
me@ et son commandant est la plus haute autorité militaire de la colonie;
pour l'époque qui nous intéresse, c'est habituellement le gouverneur. Pour
leur part, les marins relévent de l'amirauté, mais les intentions de ses
dirigeants correspondent assurément h celles du gouverneur.