Page 186 - monseigneur
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nous sommes arrivés dans ce village, il venait de perdre sa
                             femme et ses deux enfants dans l'incendie de sa maison, la
                             veille de Noël. Il ne lui restait qu'un garçon, Armand. Il y
                             avait deux filles dans cette famille et quatre ou cinq autres
                             garçons. Le plus jeune est mort de la grippe espagnole. Le plus
                             âgé a marié une fille (unique) riche d'Arthabaska. Il s'est fait
                             construire une belle maison, une espèce de château, dans une
                             rue transversale du village. La plus âgée des filles est restée
                             vierge. La deuxième a marié un commis du magasin et la
                             dernière a marié un des garçons de nos amis les Beaumier,
                             Onil. C'était difficile, dans ces villages, pour les filles de
                             riches, de trouver un mari suivant leur rang, je dirais; ils
                             étaient rares!

                                 J'ai vieilli comme tout le monde et j'ai eu mon sixième
                             enfant, une fille, le 30 mars 1921. Après trois garçons, il était
                             temps que je change de sexe! Le docteur Latlèche avait
                             passé la nuit ailleurs et il vint m'annoncer que c'était un gar-
                             çon ! Pas mal déçue, je lui ai dit: «ça ne presse pas de venir
                             me le montrer. »J'avais une sage-femme qui prenait soin de
                             moi, et comme elle s'était aperçue que le nombril de l'enfant
                             saignait, elle avait réveillé le docteur, qui se reposait de sa
                             nuit. Il est donc revenu, et cette fois-là, il m'a dit que c'était
                             une fille! Alors, je lui ai dit de me l'apporter, j'étais contente.
                             J'ai eu une petite bonne du Petit Chenail qui est venue passer
                             trols mois avec moi. Elle était douce et merveilleuse pour les
                             enfants. Ces bonnes que j'ai eues étaient de bonnes petites
                             fi Iles.
                                 Ceci dit, Madeleine avait commencé son cours, elle aussi
                             au couvent. Les deux jeunes Beaumier la prenaient en passant
                             et me la ramenaient le midi et le soir. Elle avait l'oeil clair, une
                             vraie fille de son père. Les petites Beaumjer l'aimaient bien.
                              Ma dernière fille, Jeannine (baptisée Jeanne), avait pour
                             marraine une fille Beaumier (Jeannette). Edgar, qui faisait le


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