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LE
CHA\u00ceNON
\u00c9T\u00c9
2023
37
belle
journ\u00e9e
ensoleill\u00e9e
mais
\u00e7a
me
ravage
encore\u2026
\u2014
Raconte\u2026
\u00c7a
va
te
faire
du
bien
d
en
parler
C
est
ainsi
que
mouchoir
de
papier
\u00e0
la
main
je
sortis
des
arcanes
de
mon
esprit
un
incident
vieux
de
presque
50
ans
Je
retournai
dans
le
noir
de
ma
m\u00e9moire
\u00e0
ce
vendredi
1er
f\u00e9vrier
1957
lorsque
le
journal
le
Sudbury
Star,
annon\u00e7ait
\u00e0
la
une
dans
un
article
illustr\u00e9
de
plusieurs
photos
deux
meurtres
sordides
Fait
divers
que
je
n
oublierai
jamais
\u00ab
Le
professeur
de
fran\u00e7ais
et
de
latin
de
l
\u00e9cole
secondaire
Sudbury
High,
un
monsieur
G\u00e9rard
Castonguay
et
son
\u00e9pouse,
parents
de
trois
enfants
ont
\u00e9t\u00e9
sauvagement
assassin\u00e9s
\u00e0
coups
de
couteau
dans
leur
foyer,
rue
Cedar,
par
un
de
leurs
neuf
pensionnaires
\u00bb
On
apprenait
aussi
que
deux
policiers
gisaient
sur
des
lits
d
h\u00f4pital
\u00e0
la
suite
d
une
violente
et
sanglante
altercation
lors
de
l
arrestation
du
meurtrier
Ce
jour-l\u00e0
en
proie
\u00e0
une
peur
morbide
et
l
esprit
troubl\u00e9
je
n
arr\u00eatais
pas
de
regarder
la
photo
du
tueur,
un
homme
frisant
peut-\u00eatre
la
quarantaine
aux
cheveux
s\u00e9par\u00e9s
au
centre
du
cr\u00e2ne
par
une
raie
bien
droite
une
t\u00eate
qui
me
semblait
pourtant
tr\u00e8s
ordinaire
Tentant
d
apprivoiser
mon
angoisse
ou
peut-\u00eatre
captive
d
une
\u00e9trange
fascination
je
cherchais
\u00e0
percer
le
myst\u00e8re
et
la
folie
derri\u00e8re
la
fixit\u00e9
de
son
regard
Je
d\u00e9couvrais
les
couleurs
sombres
du
visage
humain
Cet
homme
\u00e9tait-il
fonci\u00e8rement
mauvais
Quelque
chose
s
\u00e9tait
bris\u00e9
en
moi
Je
devais
faire
piti\u00e9
\u00e0
voir
J
\u00e9tais
r\u00e9volt\u00e9e
Qu
est-ce
qui
avait
bien
pu
conduire
cet
homme
\u00e0
commettre
l
irr\u00e9parable
\u00c9trange\u2026
Mon
c\u0153ur
palpitait
je
fr\u00e9missais
envahie
d
une
ind\u00e9finissable
tristesse
devant
les
photos
des
enfants
t\u00e9moins
de
la
sc\u00e8ne
du
crime
surtout
celle
d
H\u00e9l\u00e8ne
une
fillette
de
10
ans
adopt\u00e9e
par
le
couple
assassin\u00e9
Son
portrait
scolaire
la
montrait
dans
son
insouciance
de
jours
plus
heureux
M\u00eame
si
je
ne
la
connaissais
pas
l
imaginer
orpheline
me
fendait
le
c\u0153ur
Le
mardi
suivant
la
trag\u00e9die
ma
m\u00e8re
pour
ne
pas
nous
cacher
les
\u00ab
r\u00e9alit\u00e9s
de
la
vie
\u00bb
nous
avait
laiss\u00e9es
ma
s\u0153ur
et
moi
l
accompagner
aux
fun\u00e9railles
en
l
\u00e9glise
Sainte-Anne
o\u00f9
s
\u00e9tait
amass\u00e9e
au-del\u00e0
m\u00eame
du
portique
une
foule
impressionnante
et
silencieuse
Maman
aurait
eu
de
la
difficult\u00e9
\u00e0
nous
interdire
d
y
aller;
nous
\u00e9tions
au
courant
des
choses
et
d\u00e9termin\u00e9es
\u00e0
conna\u00eetre
tous
les
d\u00e9tails
de
cette
trag\u00e9die
D
ailleurs
m\u00eame
les
personnes
habituellement
r\u00e9fugi\u00e9es
dans
le
mutisme
n
arr\u00eataient
pas
de
parler
de
cet
\u00e9v\u00e9nement
inusit\u00e9
Il
e\u00fbt
\u00e9t\u00e9
pire
d
essayer
de
nous
dissimuler
l
affaire
car
\u2013
c
est
bien
connu
\u2013
les
cachotteries
enflamment
l
imagination
des
petits
les
grossissant
et
les
d\u00e9formant
Elle
nous
tenait
donc
par
la
main
comme
des
bambins
sa
fa\u00e7on
\u00e0
elle
de
nous
rassurer
J
interrompis
le
fil
de
mon
discours
Au
bout
d
un
long
silence
Maurice
m
interrogea
\u2014
Tu
les
as
vus
dans
leurs
cercueils
Tu
connais
le
mobile
du
meurtre
Peut-\u00eatre
que
c
\u00e9tait
un
triangle
amoureux
Les
policiers
ont
surv\u00e9cu
Qu
est-ce
qui
est
arriv\u00e9
aux
enfants
\u00c0
ces
questions
je
r\u00e9pondis
tant
bien
que
mal
Lysette
\u00e0
l
\u00e2ge
de
10
ou
11
ans
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